Le prix du blé est stable, ceux du colza et du soja progressent
Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des grains et des oléagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Le retour des pluies dans l’hémisphère Sud a de quoi redonner le sourire aux agriculteurs argentins et australiens, bien qu’il soit trop tard pour améliorer les rendements des céréales à paille. En France, en revanche, les excès de pluies inquiètent et pourraient réduire les intentions de semis.
Blé : maintien des prix sur la semaine
Le mardi 31 octobre 2023, le contrat sur décembre d’Euronext a atteint son plus bas niveau depuis cinq mois, à 229,5 €/t. Après la baisse du début de la semaine, encouragée par le retour des pluies en Australie et en Argentine, ainsi que par la reprise des exportations en Ukraine, les prix sont remontés très légèrement.
Les pluies ont fait leur retour dans l’hémisphère Sud, mais bien trop tardivement dans le cycle de production, puisque les récoltes démarrent à peine dans les parcelles les plus précoces, en Argentine et en Australie. Cependant, la Bourse de Buenos Aires a revu à la hausse sa notation des cultures jugées dans un état bon à excellent depuis le début du mois d’octobre. Il semblerait que le pessimisme était un peu exagéré, mais malgré tout la récolte s’annonce mauvaise. Ce retour des pluies est tout de même de bon augure pour le soja et le maïs argentin.
En Ukraine, les exportations ont repris au départ du grand Odessa après une interruption de quelques jours au cours du week-end pour des raisons de sécurité. Ce corridor reste incertain dans la mesure où, contrairement au précédent, la Russie ne s’est pas engagée à ne pas attaquer les bateaux.
Sur la deuxième partie de la semaine, le blé français s’est légèrement repris compte tenu des conditions très humides dans l’Hexagone qui entravent les travaux des champs, notamment pour les semis des céréales à paille. Les prochains jours n’annoncent pas vraiment d’accalmie. Le blé français Fob Rouen s’est effrité de 0,5 $/t cette semaine, à 248 $/t.
En revanche, du côté de la Russie les prix ont perdu 5 $/t, à 222,5 $/t, alors même que les exportations de blé russe ont atteint entre 4,8 et 4,9 millions de tonnes au mois d’octobre (record battu pour un mois d’octobre). Le déclin des prix russes témoigne des disponibilités toujours très importantes du pays, alors même que les autorités russes ont tenté d’instaurer en vain un prix plancher de 240 $/t Fob il y a encore quelques semaines. En plus d’une offre abondante, les blés russes sont confrontés à la rude compétition des origines roumaines.
L’écart de prix entre ces origines et le blé français reste donc extrêmement important. Le blé tricolore a bénéficié d’une forte demande de la Chine au début de l’automne, qui a creusé cet écart. Le blé français ne s’est pas renchéri, mais a résisté à la pression baissière de la mer Noire.
Orge : les prix déclinent
Cette semaine, l’orge fourragère française a cédé du terrain, malgré la stabilité des cours mondiaux. Le prix rendu Rouen s’établit à 203 €/t (–4 €/t), alors qu’en dollars, il s’affiche à 222,50 $/t (–3 $/t) en prix Fob. Ce mouvement de baisse s’explique principalement par l’écart de prix entre l’orge de l’Hexagone et les autres origines, notamment de la mer Noire. La demande chinoise d’orge française s’est franchement calmée, au profit d’autres origines (Australie en tête), mais également au profit du blé français. En conséquence, les exportations françaises atteignent 315 000 tonnes en octobre, soit 50 000 tonnes de moins par rapport au mois précédent.
En Russie, en raison des achats anticipés des pays importateurs, les exportations d’orge totalisent 421 000 tonnes et chutent de 58 % par rapport au mois de septembre. Le prix Fob Novorossiysk reste toutefois stable à 172,50 $/t, soutenu par des exportations dynamiques sur la fin du mois d’octobre. En Ukraine, le nouveau corridor d’exportation a permis d’augmenter les flux de grains, mais surtout au profit du maïs. L’orge n’est pas une priorité. Le cours de l’orge CPT Reni est également stable, à 137,40 $/t.
En ce qui concerne les semis d’orge d’hiver de la campagne de 2024-2025, 69 % des surfaces en France avaient été semées le 23 octobre. C’est une progression conforme à la moyenne quinquennale. Néanmoins, les perturbations provoquées sur les semis par les précipitations suscitent des inquiétudes, d’autant plus qu’elles devraient continuer selon les prévisions météorologiques. Dans l’hémisphère Sud, l’attention se porte sur les récoltes déjà en cours ou à venir en Argentine et en Australie. Dans le sud de l’Australie, la récolte est estimée en avance de deux semaines par rapport à la normale. Les premiers rapports de rendement permettront de mesurer les niveaux des pertes engendrés par le manque de pluie de ce pays.
Dans le secteur brassicole, l’orge d’hiver Fob Creil recule de 7 €/t en une semaine, à 220 €/t, son niveau le plus bas depuis août 2021. En revanche, l’orge brassicole de printemps Fob Creil augmente de 5 €/t, à 302 €/t. Il y a moins de disponibilités en Scandinavie avec une qualité qui n’est pas optimale. Cependant, les prix pourraient se calmer avec l’arrivée des récoltes en Argentine et en Australie. La prime de printemps reste toujours très élevée.
Légère hausse des cours de tourteaux de soja
En France, le cours du tourteau de soja a légèrement augmenté et s’affiche à 530 €/t, à des niveaux élevés, non atteints depuis le mois d’avril. Les prix des tourteaux ont également augmenté en Amérique, autant à Chicago (+4 $/t sur l’échéance de mars 2024) qu’en Argentine (+9 $/t sur janvier 2024 et +5 $/t sur juillet 2024).
Les cours des tourteaux de soja ont notamment progressé dans le sillage de ceux de la fève. Au Brésil, malgré la progression des semis, les conséquences de la sécheresse et des chaleurs extrêmes sur les implantations de soja inquiètent les opérateurs. Tandis que certains agriculteurs décident de ressemer du soja, d’autres préfèrent se tourner vers d’autres cultures, tel que le coton. Si la météo ne s’améliore pas dans les prochaines semaines, les surfaces et rendements de soja pourraient être revus à la baisse, limitant l’offre mondiale disponible au printemps. Sur le plus court terme, la mauvaise récolte en Argentine la saison dernière limite actuellement la trituration de soja et donc les disponibilités en tourteau de ce pays.
Du côté de la demande, des signes positifs parviennent de la Chine cette fois. À la suite de la rencontre jeudi à Pékin entre les représentants américains du secteur agricole et leurs homologues chinois, les États-Unis ont renforcé leurs espoirs de fortes exportations de soja vers la Chine. Par ailleurs, les récentes données officielles montrent que les exportations américaines de tourteaux de soja sont très dynamiques et pourraient atteindre un niveau record.
Les prix du colza progressent dans le sillage du soja
Cette semaine, les cours du colza sur Euronext ont légèrement augmenté, d’environ 4 €/t sur les échéances de février et mai 2024, s’établissant à respectivement 436 €/t et 444 €/t.
Les prix du colza ont notamment augmenté dans le sillage de ceux du soja. Toutefois, leur hausse était limitée par les bonnes disponibilités à court terme, grâce à des récoltes qui se sont avérées supérieures aux attentes au sein de l’Union européenne, au Canada ainsi qu’en Ukraine. Malgré les difficultés à l’exportation de l’Ukraine et un net recul des importations de l’Union européenne sur les premiers mois de la campagne, la graine ukrainienne rendu Union européenne se montre compétitive et continue de faire pression sur les prix européens. De même, le bon niveau de production d’huile de colza en Ukraine et sa bonne compétitivité sur le marché mondial rajoutent une pression baissière sur les prix européens.
Par ailleurs, l’Ukraine a élargi la liste des produits nécessitant des licences d’exportation vers cinq pays de l’Union européenne de l’Est, en incluant les huiles de tournesol, de colza et de soja (en plus des graines de tournesol et de colza). Cette mesure prendra effet à partir du 11 novembre et pourrait pénaliser les expéditions de ces produits au vu de la longueur des délais d’octroi des licences.
Dans les prochaines semaines, il faudra être attentif au déroulement de la récolte en Australie. Si l’impact du phénomène El Niño s’avère moins important que prévu sur les rendements de canola, cela pourrait tirer les prix européens vers le bas et vice versa.
À suivre : conditions des semis de blé, orge et colza en Europe et mer Noire, évolution des récoltes en Australie et en Argentine (céréales, colza), manque de pluies au Brésil pour le soja, exportations de l’Ukraine et de la Russie, prix du pétrole, conjoncture économique mondiale.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :